Le champagne Gosset

Voyez la destinée du champagne Gosset, une maison de vins de la Montagne de Reims, née en 1584, la plus ancienne à commercialiser le nectar rouge d’Ay, tant apprécié de François 1er. Tandis qu’Henri III règne sur la France, en proie aux luttes religieuses, Pierre Gosset, vigneron et échevin d’Ay, donne son nom à son entreprise, suivi bien plus tard par les pionniers du négoce champenois. Des origines jusqu’à nos jours, voici la trajectoire d’une maison
de champagne appréciée des connaisseurs, portée, défendue, animée par 14 générations de Gosset, un record dans l’appellation et la preuve d’un attachement fort aux bruts de la famille.
BÉATRICE COINTREAU
Dès son arrivée au poste de PDG responsable des bruts et de leur diffusion, Béatrice Cointreau voit bien que les ventes à hauteur de 350000 cols par an empêchent un déploiement mondial de la marque. Il s’agit d’accroître les quantités à expédier sans nuire à la qualité des vins, un challenge constant dans l’univers des AOC viticoles, pas seulement en Champagne. Plus et bien, plus de bouteilles et de bonne facture, la nouvelle président va se donner les moyens de relever le défi. Elle investit dans la cuverie, l’outil de vinification des bruts.

En 1993, une grande modification à la tête de la marque d’Ay : Béatrice Cointreau, une jolie brune au physique d’adolescente, prend les commandes et entend dynamiser le développement de Gosset. En quelques semaines, elle s’impose aux cadres et aux personnels qui ont bien senti la vivacité, l’énergie et les intentions de la jeune femme – moins néophyte qu’il n’y parait – dont le patronyme bien typé est plus proche des Charentes que des coteaux champenois : la famille Cointreau est propriétaire du cognac P.Frapin, une marque mondiale élaborée à partir de 300 hectares de vignes magnifiquement situées dans l’appellation “Grande Champagne”, la crème de l’eau-de-vie charentaise. Entre le cognac et le champagne, un lien fondamental dans l’élaboration des deux nectars : le coupage pour l’eau-de-vie et l’assemblage pour le vin blond. Un travail comparable dans la composition, il s’agit de modeler, de forger une partition liquide. Des eaux-de-vie plus ou moins anciennes pour le cognac et des crus issus de vendanges différentes pour le champagne, ce double principe créateur l’accompagnera dans ses débuts sur les coteaux d’Ay. Tout est dans l’orchestration finale. Décidée à aller de l’avant, à booster la marque, Béatrice Cointreau a pris le risque de lancer, à l’instar du Dom Pérignon, du Cristal Roederer ou du Grand Siècle de Gosset, la cuvée Celebris à l’étiquette rouge et or qui a réussi à se forger une réputation dans le cénacle des champagnes d’exception – ceux qui magnifient le style d’une marque.

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Tout est question d’approvisionnements en raisins, de nouveaux contrats de livraison que Béatrice Cointreau et Jean- Pierre Maraignier, chef de cave depuis vingt-cinq ans, vont négocier dans les meilleurs crus, ceux qui font le
style, le goût Gosset. Quelque cent hectares de raisins de 40 crus dûment sélectionnées vont enrichir la palette des bruts mis en oeuvre par les oenologues maison, ce qui va permettre d’élargir la gamme des vins étiquetés Gosset : la Grande Réserve non millésimée, le Grand Millésime, le Grand Rosé, le Gosset Celebris rosé millésimé, et le Celebris millésimé, ces deux derniers inventés par Béatrice Cointreau dans les années 1990.

Celebris, l’expression d’une vendange célébrée, composée à partir de grands crus classés à 100% de qualité, figure sur la plupart des cartes de vins des meilleurs restaurants du globe. Sachez que l’export représente 67% de l’activité commerciale de Gosset. Voici une véritable avancée, une conquête des marchés traditionnels ou émergents qui montre clairement que la maison d’Ay s’est positionnée dans le peloton des champagnes vendus hors des
frontières, ce qui est la caractéristique majeure d’une grande marque. Dès sa prise de fonction, Béatrice Cointreau a bien senti que le marché français du champagne avait ses limites, envahi par les marques de premier prix et les bruts des distributeurs : le champagne très démocratisé est devenu un vin de confort. Pour Gosset, il s’agit de créer de la valeur. En quelques années, la marque va doubler ses ventes puis dépasser le million de cols. Michel Bettane et Thierry Desseauve, les journalistes de vin, auteurs du Guide éponyme, écrivent que Béatrice Cointreau a insufflé un coup de jeune à la très ancienne maison d’Ay et que les vins rivalisent avec les bruts les plus prestigieux et les plus enviés de l’appellation. Dans les coulisses de la sommellerie, chez les meilleurs dégustateurs, on parle du KGB des coteaux : Krug, Gosset, Bollinger comme s’il y avait une sorte de filiation, de parenté de goûts entre ces trois marques leaders du monde champenois.

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N’en doutons pas, Gosset est entré dans le club très fermé des marques de références. Pourquoi les vins de la gamme Gosset plaisent-ils ? C’est qu’ils combinent la vinosité, la puissance et la finesse et qu’ils se placent à l’apéritif pour la Grande Réserve à l’élégance délicate et à table pour le Grand Millésime corsé et la cuvée Celebris si harmonieuse. En cela Gosset convient aux bons sommeliers qui peuvent jongler avec les mets du chef et les bruts de la gamme, car le champagne de Béatrice Cointreau plait aux champagnophiles et aux nouveaux consommateurs qui recherchent la vinosité des bruts.

On l’a compris, venue des Charentes, la jeune femme s’est identifiée à la marque, elle vit pour ses vins à la séduisante moustille, pour leur bonne commercialisation associées aux cognacs P. Frapin, une synergie naturelle. En un mot, elle a enclenché la seconde vie du champagne Gosset en l’inscrivant dans le paysage des champagnes désirés, convoités, élus.

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