Histoire du cépage Syrah

syrahLes grands maîtres de ce cépage vous le diront : c’est la syrah, et non le syrah ! Dard et Ribo, Gilles Barges et bien d’autres tiennent à cette touche féminine, bien au-delà des mots. Pour eux, la syrah est finesse, alliée à la complexité et la puissance. C’est là toute la magie de ce cépage,— dans le Nord des Côtes-du-Rhône. Car, ailleurs, en Australie, là où il est appelé shiraz, c’est le plus souvent sa puissance que l’on célèbre.
Alors, qui est ce cépage à l’origine de certains de plus grands vins du monde? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cet article.

Quelques millénaires en arrière…

L’Iranien Cyrus Kadivar rapporte que le roi perse Jamshid conservait son raisin dans les caves de son palais, afin d’en profiter toute l’année. Un jour, les serviteurs envoyés pour ces raisins se firent tellement attendre qu’il décida d’aller voir lui-même ce qui se passait. Il les trouva assommés par le dioxyde de carbone des baies en fermentation.
Quelque temps après, le breuvage rencontra les projets d’une maîtresse du roi tombée en disgrâce. Pensant s’empoisonner, elle en but secrètement, mais ne fit qu’inonder les caves de chants d’allégresse. Jamshid comprit alors que ce breuvage rendait la joie aux malheureux.

Est-il question de la syrah dans cette légende? Certains l’ont pensé, attribuant l’origine du cépage à la ville iranienne de Shiraz, à 950km de Téhéran, d’où le croisé Sterimberg l’aurait ramené pour l’implanter à l’Hermitage au XIIIè siècle. D’autres évoquèrent Syracuse ou l’Empereur Probus, qui l’aurait introduit dans le nord des Côtes-du-Rhône au IIIè siècle.
Mais c’est finalement en France que la syrah trouve ses origines. Les analyses d’ADN conduites par Carole Meredith (University of California, Davis) et Jean-Michel Boursiquot (École Nationale Supérieure d’Agromonie, Montpellier) montrent qu’elle résulte du croisement de la mondeuse blanche (savoyarde) et de la dureza (ardéchoise). Deux cépages beaucoup moins réputés, mais dont la rencontre désigne effectivement le nord des Côtes-du-Rhône comme foyer d’implantation de la syrah : Ampuis, pour la Côte-Rôtie, qui aurait été cultivée par les Grecs il y a vingt-six siècles, et Hermitage.
Une histoire riche, des origines complexes, qui justifient cette large palette de synonymes : sirac, hignin noir, candive, entourenein noir, sérine, marsanne noire, balsamina, hermitage, shiraz. Ce dernier nom nous envoie en Afrique du Sud et en Australie, où il fait également merveille.

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La syrah de par le monde

La syrah réclame un ensoleillement abondant pour parvenir à maturité quinze jours avant le carignan. On la conduit en forme palissée sur des sols fins, bien drainés, protégés du vent (elle est sensible à la coulure) et retenant la chaleur sans l’exposer à une chaleur excessive. Elle produit en abondance sur un sol argilo-siliceux mais n’atteint son summum que sur des sols schisteux ou granitiques, qui l’encouragent à de faibles rendements.

Elle ne fut plantée en Californie qu’en 1971, mais gagna l’Australie, après s’être répandue en Afrique du Sud, en 1832, grâce à James Busby. Elle était alors considérée comme un cépage d’assemblage, et n’est vinifiée seule que depuis quelques décennies, après l’énorme réussite de Max Schubert et de son Penfolds Grange (appelé initialement Hermitage Grange).
Des vieilles vignes de la région de Victoria aux Côtes-du-Rhône, en passant par le Languedoc, la Provence, Penedès (Espagne), la Toscane, l’Aconcagua (Chili) et les deux régions portugaises d’Alentejo et Estremadura, vinifiée seule ou en association d’autres cépages (grenache, mourvèdre, cabernet sauvignon), la syrah donne naissance à une myriade de vins qui, s’ils partagent un caractère intense ou « fruité », ne se distinguent pas moins selon les terroirs… et les modes.

Les vins de syrah pure ont généralement une robe intensément sombre, un nez puissant et complexe, marqué par le poivre rouge, le tabac, la venaison, le musc, la cerise et la violette, pour les meilleurs, et par les fruits rouges (fraise, framboise) pour les plus modestes.
On distingue deux écoles pour l’élevage et la définition de ce qu’est un grand vin de syrah : l’école prônant le fût neuf (Max Schubert fut le premier à introduire cette méthode en Australie) et celle préférant des muids de plusieurs vins, qui ne marquent pas le vin.
Pour cette dernière, la syrah est élégance, subtilité, puis, seulement, puissance et complexité. Ils regardent d’un oeil méfiant ces « vins que l’on doit attendre », parfois pour rien ou pour pas mieux. D’autant que les leurs possèdent un excellent potentiel de vieillissement et ne manquent pas, à l’occasion, de ce côté fauve de la syrah, notamment à Cornas.
Pour l’autre école, c’est la puissance qui prime, la richesse, l’exubérance. Ils recherchent la surmaturité, exercice difficile avec la syrah, qui peut alors donner des goûts de brûlé ou tout simplement fatiguer le dégustateur.
L’une et l’autre vision produisent de très grands vins. On peut citer pour la première les vins de Dard et Ribo, en Hermitage, Crozes-Hermitage et Cornas, les Côtes-Rôties de Gilles Barges, la syrah de Corinne Couturier ou le Henschke Hill of Grace du Domaine Henschke en Australie (vignes de 150 ans pour certaines parcelles). De l’autre côté, La Belle Hélène du Domaine Michel Ogier ou le mythique Run Rig de Torbrek.
Evoquons enfin une curiosité digne d’intérêt. Il se fait en Australie un exotique shiraz pétillant, doté d’une étonnante capacité au vieillissement et développant des arômes de fruits rouges, moka et venaisons…

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Répandue sur une grande variété de terroirs de par le monde, la syrah produit des vins fort différents, mais dont la personnalité marque durablement la mémoire. Il y a fort à parier que ces différences vont s’accroître, à mesure que les plantations récentes créeront de nouveaux types, pour notre plus grand bonheur.

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